KANEMA A GOUDOUMP, HAVRE DE PAIX EN TERRES MANCAGNES

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Ce n’est pas tous les jours que l’on voit, au Sénégal, un village exclusivement habité par une seule ethnie. À Goudomp, le village de Kanéma en est un exemple saisissant. On y trouve que des Mancagnes. A la découverte d’un hameau calme et convivial

Ce n’est pas tous les jours que l’on voit, au Sénégal, un village exclusivement habité par une seule ethnie. À Goudomp, le village de Kanéma en est un exemple saisissant. On y trouve que des Mancagnes. Découverte d’un hameau calme où les habitants mènent une vie parfaite en communauté et entretiennent un rapport singulier avec la terre. 

Ils ne sont pas nombreux, les Sénégalais qui connaissent le village de Kanéma, encore moins capables de le placer sur une carte. Le nom même pourrait renvoyer à d’autres communautés, hors du Sénégal. Cette vieille terre, nichée à Goudomp, accueille une communauté Mancagne. Exclusivement. C’est ce qui fait, entre autres, la particularité de ce village dont les habitants sont soudés et solidaires dans leur composition, leur fonctionnement et ancrés dans leurs us et coutumes.

Il faut parcourir 7 km, à partir de Goudomp, et sur la route nationale, pour être au cœur de Kanéma, le sanctuaire des Mancagnes. Sur la piste, à l’entrée du village, le visiteur découvre la beauté de la nature. Un bourg ceinturé par des anacardes, des manguiers et d’autres arbres. Avec la forte chaleur qui sévit en cette période à Kanéma, l’ombrage des arbres atténue les rayons du soleil.

Le village est vieux de 101 ans et constitue un havre de paix pour la communauté qui évolue dans une parfaite convivialité et en harmonie. Venus de la Guinée Bissau, les habitants se sont installés en Casamance, en posant d’abord leurs baluchons au village de Mangacounda, en 1918, fait savoir le patriarche et chef de village, Lucien Kantoussan. Après deux ans de cohabitation, plus ou moins difficile avec les autochtones, à cause de leur différence de religion, surtout avec l’élevage de porcs très connu chez les Mancagnes qui sont tous des chrétiens, une petite brouille s’est invitée dans cette belle harmonie. Les habitants de Mangacounda étant des musulmans, ils ont finalement cédé cette partie de leurs terres à leurs hôtes qui ont pu, dans le temps, y édifier une église. C’est ainsi que cette communauté Mancagnes s’est installée à Kanéma en 1922. L’endroit devient alors leur territoire.

Village vieux de plus de 100 ans

Les habitants ont fêté les 101 ans d’existence dans ce milieu qui a accueilli leurs parents à la quête d’une vie meilleure. Le patriarche, Lucien Kantoussan, informe aussi que Kanéma signifie en Mancagne « On ne peut pas retrouver la personne qu’on cherche quand il entre dans le village ». En langue Mandingue, cela veut dire qu’il ne « Faut pas toucher la personne ». C’est une traduction littérale qui en dit long sur leurs conditions de départ de la Guinée Bissau.

En cette journée de forte chaleur, les habitants ont trouvé refuge à l’ombre des anacardiers, où certains d’entre eux étaient en train de cueillir du cajou. C’est la période de la récolte. Le chef de village de Kanéma, Lucien Kantoussan, entouré de quelques membres de sa famille, échange calmement sur l’organisation de la fête de Pâques. Le vieil homme, malgré son âge avancé, reste solide et garde la voix claire. Un chapeau bien vissé sur une tête aux cheveux blancs et plein d’entrain, il semble prendre un certain plaisir à raconter l’histoire de sa communauté et de son installation ici à Kanéma. Un village qui, comme souvent dans le monde rural, souffre d’un déficit en infrastructures. Aucune construction moderne, mais la vie y coule paisiblement.

En cette journée de veille de fête de Pâques, Kanéma n’est pas encore plongé dans une ambiance festive. De jeunes garçons et vieilles personnes, assis en groupes, à l’ombre des anacardiers, discutent dans leur langue. Donatien Ndecky, taille moyenne et sur ses 28 ans, est assis sur un bout de bois qui lui sert de siège. Il a arrêté ses études à cause d’un problème d’extrait de naissance. Le jeune homme estime que c’est son plus grand regret. « J’ai essayé, en vain, de régler ça pendant des années. J’ai été à Sédhiou et je n’ai pas pu trouver une solution », se désole-t-il, amer d’avoir interrompu ses études à cause d’un acte de naissance. Aujourd’hui, le bonhomme confie qu’il ne travaille plus, et se tourne les pouces.

Le diktat de l’anacarde

De l’autre côté du village, chez Mme Blanche Manel, la trentaine, la vie reste suspendue à un semblant de monotonie, après une dure journée, dans son périmètre maraîcher. Elle surveille, du coin de l’œil, le thé que lui prépare un jeune garçon assis à ses côtés. Dans son potager, Blanche cultive du piment, de l’oseille, de la tomate, de la salade et d’autres variétés. « Nous n’avons pas de soutien de la mairie pour nos activités. Nous nous débrouillons avec les moyens de bord », lance-t-elle, en haussant les épaules, tout en sirotant la première tasse de thé que lui sert Donatien Kampal. Ce dernier est habitué à ce qui est considéré comme une culture chez les Mancagne : le travail. Ne jamais dépendre de personne et toujours garder sa dignité. « Je suis en classe de seconde. Après l’école, j’aide mon père dans la culture et dans la cueillette de l’anacarde », confie-t-il. Blanche révèle que les populations n’ont que ces petits boulots pour vivre dans la dignité, sans tendre la main. L’essentiel, dit-elle, c’est de vivre dans la quiétude.

Les activités principales des Mancagnes à Kanéma restent la culture de la terre, dont le maraîchage pour les femmes. La culture de l’arachide, du mil et du fonio étaient les activités principales avant que l’anacarde n’impose sa dictature partout dans la zone. Selon le chef de village, le manque de pluies abondantes de ces dernières années constitue un handicap, et fait baisser la production. L’autre problème reste l’immigration clandestine et l’exode rural qui affaiblissent le village. « Il ne reste que les vieux, dont les activités sont tournées vers la culture de l’anacarde », renseigne-t-il. Épargné par la crise Casamançaise, comparé aux autres villages, Kanéma n’a pas trop souffert de la rébellion.

Au fil des années, ce village a accueilli, de l’autre côté de la route, des Manjakes et des Balantes. Le village originel, quant à lui, conserve toujours son identité culturelle et ancestrale avec une population exclusivement Mancagne.

Le Soleil

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