
UCAD: La lessive, un métier moussant dans le temple du savoir.
Gagner son pain à la sueur du front, tel est le cheval de bataille des femmes lingères de l’université Cheick Anta Diop de Dakar. Pour gagner leur vie quotidienne, elles sont obligées de se lancer dans une activité concurrentielle, qu’est la lessive, très souvent accordée aux vaillants étudiants de l’université ( UCAD).Un travail éreintant. Assise en train de repasser des habits, Ndèye Faye, la quarantaine révolue explique son quotidien. Entretien.
En quelle année vous avez commencé à travailler ici?
J’ai quitté Kaolack en 2008 pour venir m’installer définitivement à Keur Massar ( une banlieue de Dakar) où je vis.
Quelles sont vos motivations ?
J’ai eu une autorisation d’accés à l’université pour exercer le métier de lingère. Avec la conjoncture actuelle, j’ai élu domicile ici pour gagner dignement ma vie. Vous savez pour trouver du travail dans notre pays, il faut frapper à beaucoup de portes. C’était mon cas. Autrefois, je travaillais comme femme de ménage dans une famille nantie à Dakar. Mais ce travail a fait long feu. Car je travaille plus que je ne gagne. Finalement j’ai abdiqué. Un jour, je discutais avec une amie. Celle-ci m’a parlé de ce travail. Au début, je n’avais pas accepté. Mais, au finish, elle a fini par me convaincre
Comment vous avez vécu vos débuts dans ce métier?
Au début c’était très difficile, j’avais un petit fond. Avec ça , j’ai acheté des seaux, des bidons pour commencer. Quand je suis arrivée en 2008, je trouvais difficilement de clients. Mais au fur des ans je suis arrivée à me faire de la place. Je remercie le Bon Dieu puisque mes clients qui sont des étudiants apprécient le travail.
Quels sortes de vêtements vous lavez ?
Il y a des draps, des serviettes, des couvertures sales, des chemises et des pantalons entre autres. sauf les vestes.
Quel est le coût de chaque catégorie de vêtements ?
Pour les chemises, on les fait à 150f, le pantalon 200f, les gommes ( boubous traditionnels) 1000f, la serviette et le drap 500f. Et cela dépend de la taille également des habits.
Est-ce qu’il arrive que les clients ne soient pas satisfaits de vos services ?
Ça dépend. Il y a des clients qui sont compréhensifs. Pour ma part, il m’est jamais arrivé de perdre les habits des clients. Je me rappelle une fois en repassant les habits d’un client sous l’effet du vent qui a attisé le feu quelques habits ont été légèrement brûlés. Il a accepté mes excuses.
Quels sont vos clients?
Nous avons des clients étudiants Sénégalais et étrangers.
Est-ce que vous parvenez à tirer votre
épingle du jeu?
Je remercie Le Tout Puissant. Je parviens à inscrire mes enfants à l’école et régler mes besoins personnels. Mieux, j’arrive même à épargner un peu de sous à la banque et aider aussi mes parents au village.
Quelles sont les démarches que vous avez entreprise pour accéder à l’université ?
Quand je venais pour la première fois, j’ai adressé une demande aux responsables de l’université Cheick Anta Diop qui m’ont donné leur accord de principe. La dizaine de femmes qui travaillent ici ont toutes une autorisation d’exercer ce métier au sein de l’université. Imaginez s’il n y a pas d’autorisation . Avec les temps qui courent se sera l’anarchie.Et là, je pense que ce lieu va refuser du monde. Nous n’avons pas de syndicats mais nous sommes bien organisées à l’interne.
Dans le cadre de votre travail,quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Nous ne rencontrons pas de difficultés majeures. Cependant, nous sommes exposées au soleil. On fait le linge en plein air. On reçoit les habits sales le jour le jour. Nous sommes également vulnérables par un travail instable et précaire .Du matin au soir nous y restons à faire le linge et à repasser des habits. Nous travaillons ici parfois jusqu’à 22h. Pendant la nuit, on s’éclaire à l’aide de portables ou de lampes électroniques.
L’autre difficultés c’est l’éloignement du robinet. Nous ne payons pas l’eau puisque nous rendons au service des étudiants.
Quel appel vous adressez aux autorités universitaires pour l’amélioration de vos conditions de travail ?
Nous leur demandons de nous construire un hangar pour être à l’abri du soleil et de la poussière comme elles ont fait avec les coiffeurs. C’est difficile de travailler en plein air à la merci de la poussière, et du vent …
Quels sont les risques de ce travail ?
Le fait de s’accroupir , de se pencher, se courber et de se lever sans arrêt, au-delà des risques pour la santé et la sécurité au travail, entraine des conséquences physiques graves.
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