
SAHM: Les vendeurs de fruits et de légumes rient jaune
C’est la croix et la bannière pour les vendeurs de fruits et de légumes installés au rond-point Sahm de Dakar qui peinent à écouler leurs marchandises. Leurs chiffres d’affaires ont connu une baisse drastique depuis quelques temps.
Il est 16 heures ce jeudi dans la capitale Sénégalaise. A l’heure où de nombreux travailleurs regagnent leur domicile, un monstre embouteillage rend de plus en plus difficile la circulation urbaine. Le ciel est ensoleillé, mais il dégage une certaine fraîcheur. C’est la course contre la montre pour arriver à destination avant la tombée de la journée. Un policier en béret bleu, sifflet noué au cou essaye de réguler la circulation de temps à autre. Les motards faufilent entre de longues files de véhicules qui laissent derrière un bruit assourdissant. À proximité de l’hôpital Abass Ndaw, plusieurs avenues rayonnent sur une place circulaire : c’est le rond-point Sahm. Ce lieu grouille de monde comme à l’accoutumée. Les commerçants de fruits et de légumes animent la place et se déplacent ça et là comme une feuille morte. Des étals garnis de toutes sortes de fruits et légumes (oranges, de citrons verts, de goyaves, de bananes, de gombo, de navets etc) ornent le décor. Le commerce de fruits et légumes n’est pas seulement l’apanage des autochtones. Debout sur ses cinquante-trois ans, Ibrahima Keita, originaire de la Guinée s’est lancé dans le commerce d’oranges depuis cinq ans. Chaque jour, il arpente les alentours du rond-point Sahm avec son pousse-pousse de fortune. « J’achète des oranges soit au port, soit au marché pikine pour ensuite les revendre. Depuis cinq ans, je pratique ce métier. Actuellement, le marché est inondé de fruits et les clients se font rare », précise -t-il. Ce qui semble que le métier n’est du tout reposant. La vie des vendeurs de fruits et légumes de Sahm n’est pas du tout reposant. Le secteur présente une alternance de hauts et de bas.
Un commerce qui évolue en dents de scie
À gauche du boulevard qui mène au Centreville, Khady Thiam assise sur une natte effilochée égraine lentement des perles de chapelets. Son étal est bien étoffé de pamplemousses, de papayes, d’oranges, de melons et de Saba senegalensis ou « mads » en wolof (fruits contenant de grosses graines entourée de pulpe, vendues dans la rue mélangés à du sucre).
« J’achète les marchandises à partir du port. C’est très difficile de voir l’ombre des clients. L’écoulements des marchandises est un problème. Les clients arrivent par compte- gouttes », se désole-t-elle. Dans ce petit coin de Dakar, les produits maraîchers de tout genre (concombres, gombo, des aubergines, fruits de tomates , etc ) font souvent objet de long marchandage entre ménagères et vendeuses .
Divergence des prix
C’est l’heure de la prière de « takkussane » (prière de 17 heures). Oumy Ba vient de terminer son acte rituel. Auparavant, deux clientes l’ attendent devant son étal se trouvant à côté d’un vendeur de friperie. Elles ont toutes un accent étranger. Dans leur marchandage, elles révèlent qu’elles sont Congolaises. L’une d’entre elles juge les prix très chers. « Moi je trouve que les prix sont exagérés. Les denrées de premier nécessité ne méritent pas un prix assez élevé. Comme tout à l’heure, je viens de payer le kilogramme de banane à 1200 f. Alors que d’habitude on vend ça à 1000 f », regrette Michelle le regard tristounet.
Sur un autre registre, Karinthe, étudiante à l’université Amadou Ampathé Ba dénonce la qualité des fruits qui laisse parfois à désirer. « Les prix ont augmenté. Parfois on trouve des fruits qui ne sont pas de bonnes qualités dans le marché. On y met trop d’engrais. On voit rarement de produit naturel dans le marché », explique Karinth.
Contrairement à elles, Djibril Touré est un fidèle client des vendeurs de Sahm. Ce fruitarien connait bien les vertus des fruits. « Les fruits nous permettent de réguler le métabolisme pour pouvoir digérer les aliments qu’on mange au quotidien. Je trouve que les prix sont acceptables. Le pouvoir d’achat n’est pas aussi fameux. Mais par la grâce de Dieu, on essaye de le cumuler dans le régime alimentaire de la famille. Je suis venu payer un kilo de melon. J’adore ce fruit car il y a beaucoup d’eau, d’énergie et du sucre qui n’est pas nocif pour la santé ».
Ce n’est plus cette période grasse où les vendeurs de fruits et légumes se frottent les mains au quotidien. C’est toujours la même rengaine. « Les temps sont durs », à les en croire. Quelquefois les pertes sont incommensurables. Pour justifier la flambée des prix, Ibrahima Keita, rétorque qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
« Les choses marchent petit à petit. Nous achetons pour revendre, mais parfois nous subissons de grosses pertes. Il arrive que tu payes un sac d’orange. Une grande quantité est gâtée. En payant le sac, tu ne l’ouvres pas. », lance désespérément le cinquantenaire. Poussant son chariot d’orange, il s’en va à la quête de clients.
Malang Doudou MANE
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